AUTOMNE
Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.
0 temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.
René Guy Cadou
Les amis d’enfance
Je me souviens du grand cheval
Qui promenait tête et crinière
Comme une, grappe de lumière
Dans la nuit du pays natal.
Qui me dira mon chien inquiet,
Ses coups de pattes dans la porte,
Lui qui prenait pour un gibier
Le tourbillon des feuilles mortes?
Maintenant que j’habite en ville
Un paysage sans jardins,
Je songe à ces anciens matins
Tout parfumés de marguerites.
René Guy Cadou
Un enfant précoce
Une lampe naquit sous la mer
Un oiseau chanta
Alors dans un village reculé
Une petite fille se mit à écrire
Pour elle seule
Le plus beau poème
Elle n'avait pas appris l'orthographe
Elle dessinait dans le sable
Des locomotives
Et des wagons pleins de soleil
Elle affrontait les arbres gauchement
Avec des majuscules enlacées et des cœurs
Elle ne disait rien de l'amour
Pour ne pas mentir
Et quand le soir descendait en elle
Par ses joues
Elle appelait son chien doucement
Et disait
"Et maintenant cherche ta vie."
René Guy Cadou
L’acacia
Le vent
Passait, pleurant.
L'acacia dit :
" Vent d'automne
Au front gris
Tu t'ennuies.
Je te donne
Mes feuilles,
Prends, cueille
Et va jouer au volant
Avec ton amie
La pluie.
Le printemps
En son temps
M'en fera de plus jolies. "
Marie-Magdeleine Carbet
Il pleut doucement, ma mère,
Et c’est l’automne
Si doucement
Que c’est la même pluie
Et le même automne
Qu’il y a bien des ans.
Il pleut et il y a encore,
Comme il y a bien des ans,
Combien de cœurs au fil de l’eau
Et combien de petits sabots
Rêvant au coin de l’âtre.
Et c’est le soir, ma mère,
Et tes genoux sont là
Si près du feu
Que c’est le même soir
Et les mêmes genoux
Qu’il y a bien des ans.
Il pleut doucement, ma mère,
Et c’est l’automne
Et c’est le soir, ma mère,
Et tes genoux sont là.
Prends-moi sur tes genoux, ce soir,
Comme il y a bien des ans
Et raconte-moi l'histoire
De la Belle au bois dormant.
Maurice Carême
L'ECOLIERE
Bon Dieu ! que de choses à faire!
Enlève tes souliers crottés,
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire.
Ton problème, est-il résolu ?
Et la carte de l'Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! que de choses à faire
Maurice Carême
Pour mon
père
Mon père aimé, mon père à moi,
Toi qui me fais bondir
Sur tes genoux
Comme un chamois,
Que pourrais-je te dire
Que tu ne sais déjà ?
Il fait si doux
Quand ton sourire
Eclaire tout
Sous notre toit.
Je me sens fort, je me sens roi,
Quje marche à côté de toi.
Maurice carême
Deux petits éléphants
C'était deux petits éléphants,
Deux petits éléphants tout blancs.
Lorsqu'ils mangeaient de la tomate,
Ils devenaient tout écarlates.
Dégustaient-ils un peu d'oseille,
On les retrouvait vert bouteille.
Suçaient-ils une mirabelle,
Ils passaient au jaune de miel.
On leur donnait alors du lait :
Ils redevenaient d'un blanc tout frais.
Mais on les gava, près d'Angkor,
Pour le mariage d'un raja,
D'un grand sachet de poudre d'or.
Et ils brillèrent, ce jour-là,
D'un tel éclat que plus jamais,
Même en buvant des seaux de lait,
Ils ne redevinrent tout blancs,
Ces jolis petits éléphants.
Maurice Carême
Avez-vous vu?
Avez-vous vu le dromadaire
Dont les pieds ne touchent pas terre?
Avez-vous vu le léopard
Qui aime loger dans les gares?
Avez-vous vu le vieux lion
Qui joue si bien du violon?
Avez-vous vu le kangourou
Qui chante et n'a jamais le sou?
Avez-vous vu l'hippopotame
Qui minaude comme une femme?
Avez-vous vu le perroquet
Lançant très haut son bilboquet?
Avez-vous vu la poule au pot
Voler en rassemblant ses os?
Mais moi, m'avez-vous bien vu, moi,
Que personne jamais ne croit?
Maurice Carême
Liberté
Prenez du soleil
Dans le creux des mains,
Un peu de soleil
Et partez au loin!
Partez dans le vent,
Suivez votre rêve ;
Partez à l'instant,
La jeunesse est brève !
Il est des chemins
Inconnus des hommes,
Il est des chemins
Si aériens !
Ne regrettez pas
Ce que vous quittez.
Regardez, là-bas,
L'horizon briller.
Loin, toujours plus loin,
Partez en chantant !
Le monde appartient
A ceux qui n'ont rien.
Maurice
Carême
e
Mon petit
chat
J'ai un petit chat ,
Petit comme ça.
Je l'appelle Orange.
Je ne sais pas pourquoi
Jamais il ne mange
Ni souris ni rat.
C'est un chat étrange
Aimant le nougat
Et le chocolat.
Mais c'est pour cela ,
Dit tante Solange ,
Qu'il ne grandit pas !
Maurice Carême
Notre école
Notre école se trouve au ciel.
Nous nous asseyons près des anges
Comme des oiseaux sur les branches.
Nos cahiers d’ailleurs ont des ailes.
A midi juste, l’on y mange,
Avec du vin de tourterelle,
Des gaufres glacées à l’orange.
Les assiettes sont en dentelle.
Pas de leçons, pas de devoirs.
Nous jouons quelquefois, le soir,
Au loto avec les étoiles.
Jamais nous ne rêvons la nuit
Dans notre petit lit de toile.
L’école est notre paradis.
Maurice Carême
E
La tranche de pain
Un enfant seul,
Tout seul avec en main
Une belle tranche de pain,
Un enfant seul
Avec un chien
Qui le regarde comme un dieu
Qui tiendrait dans sa main
La clé du paradis des chiens.
Un enfant seul
Qui mord dans sa tranche de pain,
Et que le monde entier
Observe pour le voir donner
Avec simplicité,
Alors qu'il a très faim,
La moitié de son pain
Bien beurré à son chien.
Maurice Carême
Le goûter
On a dressé la table ronde
Sous la fraîcheur du cerisier.
Le miel fait les tartines blondes,
Un peu de ciel pleut dans le thé.
On oublie de chasser les guêpes
Tant on a le coeur généreux.
Les petits pains ont l'air de cèpes
Egarés sur la nappe bleue.
Dans l'or fondant des primevères,
Le vent joue avec un chevreau ;
Et le jour passe sous les saules,
Grave et lent comme une fermière
Qui porterait, sur son épaule,
Sa cruche pleine de lumière.
Maurice Carême
Alphabet
A c'est l'âne agaçant l'agnelle,
B c'est le boulevard sans bout,
C la compote sans cannelle,
D le diable qui dort debout.
E c'est l'école, les élèves,
F le furet féru de grec,
G la grive grisant la grève,
H c'est la hache et l'homme avec.
I c'est l'ibis berçant son île,
J Le jardin sans jardinier,
K le képi du chef kabyle,
L le lièvre fou à lier.
M c'est le manteau bleu des mages,
N la neige bordant le nid,
O l'oranger pris dans l'orage,
P le pain léger de Paris.
Q c'est la quille sur le quai,
R la rapière d'or du roi,
S le serpent qui s'est masqué,
T la tour au-dessus des toits.
U c'est l'usine qui s'allume,
V le vol du vent dans la voile,
W le wattman de lune,
X le xylophone aux étoiles.
Y c'est les yeux doux du yack
Oublié dans le zodiaque,
Z le zigzag brusque du zèbre
Qui s'enfuit dans les ténèbres,
Malheureux parce qu'il est
Le dernier de l'alphabet.
Maurice Carême
Ponctuation
- Ce n'est pas pour me vanter,
Disait la virgule
Mais, sans mon jeu de
pendule,
Les mots, tels des
somnambules,
Ne feraient que se
heurter.
- C'est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes
majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.
- Ne soyez par ridicules,
Dit le
point-virgule,
On vous voit moins que la
trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules.
Ou, tous deux, je vous remplace !
Maurice Carême
Aimer, ce n'est pas regarder l'un l'autre,
c'est regarder ensemble dans la même direction.
- Antoine de Saint-Exupery -
Aimer ce n'est pas de grandes déclarations.
Aimer c'est de toutes petites choses, simples, sans aucune justification.
Aimer c'est dire: Veux tu un café? Es tu fatigué? Je peux faire quelque chose pour toi?
Aimer c'est un coup de téléphone, une douce pensée, une lettre, une petite surprise, une charmante
invitation.
Aimer c'est prendre quelques minutes de son temps pour l'autre même si parfois on a pas toujours le
temps.
Aimer c'est accomplir spontanément des choses pour l'autre et ce sans arrière pensée... sans raison
aucune!
Aimer c'est ne pas juger... ne pas critiquer... ne pas condamner.
Aimer c'est être capable de dire: à ta place je n'aurais pas fait mieux.
Aimer c'est pouvoir aussi dire sans envie: C'est beau ce que tu as réussi.
Aimer c'est accueillir l'autre tel qu'il est, l'écouter avec son coeur, ne pas le brusquer.
Aimer c'est regarder l'autre avec les yeux du coeur et les yeux de l'âme. La parole peut mentir mais le regard lui jamais il ne
ment.
Aimer c'est être là non seulement avec son corps mais aussi avec son âme.
Aimer c'est dire "Je t'aime" à un conjoint, à un ami, à un frère, à une soeur. Pourquoi faut-il toujours attendre la mort de quelqu'un pour
lui dire à quel point on l'aimait?
Aimer c'est si doux... si facile.
Aimer ce n'est pas compliqué mais si l'amour ne nous habite pas il nous manque l'essentiel dans la vie.
Lorsque quelqu'un a le privilège d'aimer et d'être aimé, la vie est extraordinaire.
Cette chaleur qui rayonne, cette lumière qui illumine l'âme, le coeur et les yeux s'appelle l'amour.
- Edmond Fehr -
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